Nouvelle Nouvelle-Calédonie

Je vous demande de me croire sur parole. Je m’étais promis d’aborder le sujet dès que possible, bien avant d’apprendre que le ministre chargé des Outre-mer de la France, Manuel Valls, serait invité de la matinale de France Inter, précisément pour commenter l’accord conclu samedi dernier à l’issue des négociations entre les délégations calédoniennes sous l’égide de l’état français, représenté par son ministre. Je m’attendais donc à tout apprendre ou presque du contenu de cet accord, et à un « cours de rattrapage » plus ou moins exhaustif pour vanter les mérites d’un compromis historique que l’on attend depuis les accords de Nouméa de 1998.

Quelle ne fut pas ma surprise, alors que m’attendais à un plaidoyer « pro domo » de la part de Manuel Valls sur les avantages décisifs de ce texte, de l’entendre déclarer que le mérite principal de cet accord était surtout celui d’exister, quel que soit son contenu. Et là, une certaine inquiétude ne manque pas de monter. Si un tel accord a été obtenu aux forceps, comment sera-t-il suivi d’effets ? Car il ne faut pas négliger le fait que le projet d’accord devra être ratifié par « les populations intéressées », probablement par référendum, un de plus, dont l’issue reste incertaine. Le vocabulaire même reflète les difficultés pour nommer les parties en présence, les indépendantistes et les « non-indépendantistes », préférés au terme de « loyalistes ». Toujours sur le plan des symboles, il me parait choquant d’avoir organisé ce colloque en région parisienne, à 17 000 kilomètres du territoire concerné, comme si, outre le bilan carbone négatif induit par ce choix, on considérait que le temps des métropolitains concernés valait plus cher ou était plus précieux que celui des Calédoniens.

Sur le fond de l’accord, la création d’un état dans l’état et le transfert d’un certain nombre de fonctions régaliennes de l’état français au futur état calédonien, implique une révision constitutionnelle, qui devra être calibrée au millimètre pour recueillir une adhésion de l’électorat, avec une majorité qualifiée, alors que les partis ne s’entendent sur rien, ou presque. Si le diable se niche dans les détails, il va avoir beaucoup de place disponible. Les chantiers qu’il faut ouvrir pour permettre à la Nouvelle-Calédonie de reprendre une trajectoire de progrès dans une situation apaisée sont énormes. Ils ont buté sur des obstacles qui sont toujours actifs, et le premier d’entre eux, la situation économique, va se poser très rapidement. Le Premier ministre doit dévoiler aujourd’hui même ses priorités pour tenter de réduire le train de vie de l’état. L’aide au développement des territoires ultra-marins devra trouver sa place dans un budget déjà très contraint. Ce sera pourtant la pierre de touche pour ne pas faire d’un accord presque inespéré, une coquille vide.