
L’affaire Calas
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 13 juillet 2025 10:25
- Écrit par L'invitée du dimanche

Une affaire illustrant la complexité de l’erreur judiciaire.
Le contexte : la guerre de Sept Ans, première guerre véritablement mondiale, de 1756 à 1763, qui voit la France affronter des puissances protestantes, comme la Prusse et la Grande-Bretagne, et la révocation de l’édit de Nantes, 200 000 protestants fuient la France…
Les protagonistes : Jean Calas, habitant Toulouse (50 000 catholiques, 200 calvinistes !) marchand d’étoffes d’obédience protestante, il a six enfants dont deux fils, Pierre, Marc-Antoine, et deux filles, seront présents, avec un invité, Gaubert Lavaysse le 13 octobre 1761.
Au soir de ce même jour, Marc-Antoine sera découvert vers 22 heures, pendu entre deux portes dans la maison familiale ! Craignant un suicide, le père camoufle maladroitement la mort en meurtre par étranglement pour lui éviter les peines infamantes infligées aux suicidés et le déshonneur de sa famille !
On constate donc une double strangulation, meurtre ou suicide, la question se pose ? Quand, dans le voisinage, la rumeur se répand que Marc-Antoine aurait été prêt à se convertir au catholicisme, le Capitoul David de Beaudrigue (magistrat élu ayant des attributions militaires et judiciaires) exige un complément d’enquête, tous les Calas, l’invité et la servante sont accusés de meurtre.
Après trois jours d’interrogatoire, Jean Calas avoue avoir caché le suicide de son fils en meurtre, mais clame son innocence.
On manque de preuves pour affirmer la culpabilité de Jean Calas, qu’à cela ne tienne, le procureur du roi publie « un monitoire à fin de révélation » qui fait admettre les ouï-dire comme quart de preuve, les ragots comme huitième de preuve, les juges additionnent les signes et les présomptions et Jean Calas est reconnu coupable, le 9 mars 1762.
Après avoir subi la question ordinaire et extraordinaire pour lui tirer des aveux et le nom de ses complices, il sera condamné à être rompu vif, exposé sur une roue, puis étranglé, puis jeté au bûcher pour y être brûlé. La sentence sera exécutée le 10 mars 1762.
La mère, Lavaysse, seront acquittés, les filles mises au couvent, les biens confisqués.
Pierre, banni, se réfugie à Genève, il y rencontre Voltaire déjà informé de l’affaire, Pierre le convainc de l’innocence de son père, il forme alors un groupe de pression et il utilise son talent corrosif et sa popularité pour que justice soit faite.
Il obtient la révision du procès après rédaction des pièces originales du procès, la publication du « traité de la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas » et l’aide d’avocats brillants qui adressent au roi un mémoire énumérant 12 motifs de nullité dans la procédure judiciaire !
La famille obtient un entretien auprès de Louis XV, et après deux ans d’instruction, le conseil du roi casse l’arrêt du parlement de Toulouse le 4 juin 1764 pour vice de procédure et renvoie l’affaire devant le tribunal des requêtes. En 1765, un arrêt réhabilite la mémoire de Calas, et acquitte tous les autres accusés. La famille recevra une pension de 36 000 livres en dédommagement…
Le Capitoul de Toulouse sera destitué le 25 février 1765 et il se suicidera.
L’affaire Calas est une erreur judiciaire, caricature de la justice de l’ancien régime, causée par deux anachronismes : l’un par « l’intime conviction » qui va commencer à se substituer aux preuves, et l’autre par l’intolérance religieuse… en cela elle est exemplaire…
L’invitée du dimanche