L’article de la mort qui tue

Ou devrais-je dire les articles ? Car les débats au parlement sur la réforme des retraites, voulue par le président, et bientôt par lui seul, sont rythmés par le recours à des articles de la Constitution inconnus pour la plupart du grand public, dont le principal et même unique intérêt est de permettre d’escamoter le débat et de rejeter par avance toute modification des textes qui ne serait pas agréé par le gouvernement. Le but avoué du jeu, c’est de réduire les discussions à peau de chagrin, et cela trahit une fébrilité de l’exécutif, beaucoup moins serein que l’image qu’il tente de donner. Il sait qu’il a déjà perdu la bataille de l’opinion, que le conflit laissera des traces, et que même l’issue finale n’est pas garantie.

Démocratie directe

Pendant que nous débattons à l’infini de la légitimité d’un pouvoir élu démocratiquement dans des scrutins libres et non faussés, l’exemple de la Géorgie devrait nous amener à réfléchir, et tout particulièrement le président de la République, qui n’hésite pas à interpeler des opposants en les écrasant de son onction par le suffrage universel. Emmanuel Macron feint de croire que le peuple français l’a élu pour mettre en œuvre intégralement son programme, notamment sur la réforme des retraites, alors que chacun sait que seule une fraction minoritaire a voté pour lui au premier tour, et qu’une autre partie de l’électorat a seulement voulu éviter l’accession au pouvoir de la candidate d’extrême droite.

Droit ou liberté ?

Au cours du discours présidentiel d’hommage à la militante féministe qu’était Gisèle Halimi, Emmanuel Macron a salué, je cite, « l’engagement (de l’avocate) pour le droit à l’avortement ». C’est moi qui souligne, car, dans la foulée, le président a annoncé son intention d’inscrire dans la Constitution, la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Ça n’a l’air de rien, mais ce choix de vocabulaire est tout sauf anodin. Imaginez un peu une déclaration des libertés de l’homme et du citoyen, et la différence avec ce qui est en vigueur actuellement en France et a été repris ensuite universellement.

Pour l’honneur

L’honneur est une vertu qui aurait tendance à se perdre, si j’en juge par l’incident qui a émaillé les discussions à l’Assemblée nationale sur un projet de loi présenté par Renaissance visant à rendre inéligibles les auteurs de certaines violences. Le député Adrien Quatennens semblait visé par un texte apparemment fait sur mesure pour le disqualifier. Mais vous savez ce que c’est, dans le feu de la discussion, le président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix n’a pas pu s’empêcher de rappeler au ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, présent aux délibérations, qu’il était lui-même sous le coup de deux procédures, ce qui lui a valu une réponse lapidaire et imagée sous la forme de deux bras d’honneur du Garde des Sceaux.