
Le bonheur
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 2 juillet 2025 11:24
- Écrit par Claude Séné

« C’est simple comme un coup de fil » selon cette ancienne publicité de France Télécom au début des années 1990. On sortait alors de la préhistoire de la téléphonie pendant laquelle on disait que la moitié de la France attendait le téléphone et l’autre moitié la tonalité, mais on était encore loin du développement exponentiel de la téléphonie grâce aux progrès de la technologie. À l’époque, le monde était binaire et se résumait souvent à l’affrontement de deux blocs. Pour éviter de tragiques erreurs ou des délais de transmission, une ligne directe, surnommée le téléphone rouge, reliait les deux capitales de part et d’autre du rideau de fer.
Depuis que le bloc soviétique a volé en éclats, le monde est devenu multipolaire, et le téléphone entre chefs d’État ne se résume plus à des conversations bilatérales. Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ne s’étaient plus téléphoné depuis 2022, du fait de l’invasion russe du territoire ukrainien, et la guerre qui s’en est suivie. Le retour au pouvoir de Donald Trump a changé la donne, et les deux dirigeants, Français et Russe, ont estimé utile de reprendre contact. Et, de fait, l’échange a duré plus de 2 heures, au cours desquelles les points de divergence l’ont largement emporté sur les rares points d’accord. La plupart des observateurs estiment que le président russe, qui gagne du temps en permanence pour éviter de répondre favorablement à la demande de Donald Trump de déclarer un cessez-le-feu en vue de pourparlers de paix avait plus à y gagner qu’Emmanuel Macron, dont l’intérêt serait une question d’image, pour apparaître comme un dirigeant pouvant parler d’égal à égal avec les plus puissants. Le président français a beau multiplier les initiatives, en tentant de mobiliser et entraîner avec lui les chefs d’État européens, les retombées concrètes sont bien minces.
Poutine, quant à lui, possède un avantage décisif, celui de survivre politiquement à ses interlocuteurs, en ne s’embarrassant pas d’apparence de démocratie et de respect des aspirations du peuple, quand Macron, Trump, Merz ou Starmer sont tributaires des résultats d’élections libres, donc aléatoires. Le président de la Fédération de Russie règne sans partage depuis plus de 25 ans, et peut-être pour 25 ans supplémentaires, tant il dispose de ressources, à la limite de la légalité, pour se maintenir au pouvoir. Persuadé de son bon droit, Vladimir Poutine est prêt à tenir aussi longtemps qu’il le faudra, et tient beaucoup à garder les apparences de la légitimité. Il bénéficie déjà de l’indulgence du président américain, qui le menace de sanctions économiques sans jamais passer aux actes, et il semble avoir trouvé un terrain d’entente avec Macron sur le nucléaire iranien. Russie et France ont un intérêt commun : empêcher le club très fermé des puissances nucléaires de s’enrichir d’un autre membre, difficilement contrôlable. Et cela suffirait, au moins provisoirement, à leur bonheur réciproque.