Le dedans et le dehors

Dans l’esprit du grand public, il est important de bien faire la distinction entre la vie à l’intérieur d’une prison, ou de tout autre lieu de « privation de liberté », et l’extérieur, où chacun peut faire ce qu’il veut, dans la mesure où il n’enfreint pas la loi. L’incarcération d’une personne n’est qu’une modalité parmi d’autres de purger une peine qui peut être aménagée selon divers critères. Pour ne pas troubler l’ordre public, il est indispensable de démontrer la réalité d’une punition qui s’applique aux personnes condamnées ou soupçonnées d’infractions graves. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait publié une circulaire en février dernier pour interdire les « activités ludiques » en détention après une polémique sur des massages soi-disant administrés en prison.

Le Conseil d’État a annulé partiellement cette disposition en ne conservant que la prohibition d’activités provocantes à l’égard des victimes. Les activités autorisées en détention sont toujours les mêmes : le travail, qui occupe et permet de « cantiner » pour améliorer l’ordinaire, les activités éducatives, socioculturelles, la lecture, voire l’école pour améliorer son niveau personnel et passer des diplômes qualifiants ou de culture générale, et le sport, très prisé par la plupart des détenus. Toutes ces activités sont destinées à faciliter la réinsertion sociale à l’issue de la période d’incarcération et éviter autant que faire se peut une récidive immédiate. Reste que la frontière entre le dedans et le dehors n’est pas totalement hermétique, tant s’en faut, ce qui a choqué l’opinion en découvrant que certains délinquants, notamment les narcotrafiquants, continuaient à gérer leurs affaires illégales depuis leur cellule, en bénéficiant d’une certaine sécurité dont ils ne profiteraient pas dans leur quartier d’origine.

C’est donc l’occasion de relancer de vieux serpents de mer pour démontrer la fermeté de l’état. Gérald Darmanin a ainsi évoqué la construction d’une prison modèle en Guyane, dans laquelle les détenus ne pourraient pas communiquer avec l’extérieur, la jungle amazonienne permettant de brouiller efficacement tous les signaux des téléphones. Petit problème, la similitude avec l’ancien bagne de Cayenne, tristement célèbre pour avoir « accueilli » le capitaine Dreyfus. Le quartier de haute sécurité serait destiné aux gros trafiquants locaux ou antillais, voire aux détenus radicalisés, mais ne recevrait pas de prisonniers hexagonaux. Après la proposition de déporter les personnes sous le coup d’une OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, voire de louer des places de prison à l’étranger, on nage en plein délire sécuritaire avec des surenchères permanentes entre partis de droite pure et dure et extrême droite survitaminée. La réalité, c’est que le mal principal qui ronge notre système pénitentiaire reste la surpopulation endémique qui atteint des niveaux inédits. Quant à la porosité entre le dedans et le dehors, l’administration connait les moyens de l’atténuer largement, mais préfère y renoncer pour « acheter » la paix en détention en évitant ainsi conflits, révoltes ou même mutineries.

Commentaires  

#1 jacotte 86 20-05-2025 12:11
la réalité, ce sont les causes de la consommation exponentielle de drogue de tous genres de plus en plus accessibles qui touche tous les milieux...miroir d'un malaise social et économique que les institutions supposées les maitriser sont inopérantes
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